C'était il y a 38 ans déjà...
Parce que les peuples en Europe sont en train d'oublier qu'il n'est pas bon de vivre sous une dictature ( le chômage, la crise et la récession
rendent l'extrême droite et de ses solutions radicales profondément séduisante pour les esprits faibles ), j'ai envie de parler d'un temps que je n'ai pas connu mais que l'on m'a
raconté...
Il y a 38 ans, le Portugal ( tout comme sa voisine l'Espagne ) vivait sous un régime autoritaire, conservateur et catholique ( O
Estado Novo - L'Etat Nouveau ) dont la figure emblématique était ( António de Oliveira ) Salazar, un professeur en économie dont la vie de célibataire austère était entièrement
consacrée au travail.
![25 avril 1974 - 14]()
Le pays était dirigé avec l'appui des riches propriétaires, des industriels, des banquiers et de l'Église.
La PIDE ( Police Internationale et de Défense de l'État ) chassait, emprisonnait, torturait et tuait les opposants ( tous ceux qui
osaient s'indigner des conditions de vie déplorables de la population ) avec l'aide des " Bufos ", des informateurs cachés au sein de la population.
En 1961, le Portugal entre dans une période de récession et lutte contre l'indépendance de ses colonies. Des milliers de jeunes soldats sont envoyés en
Afrique, des millions de personnes quittent le pays.
Victime d'un accident vasculaire cérébral, en 1968, Salazar perd le pouvoir au profit de Marcelo Caetano qui continue la même politique jusqu'en
1974...
Chronologie d'une démocratie annoncée...
Le 24 avril 1974
A 22 h : Le MFA ( le groupe de commandement du Mouvement des Forces Armées ) est réuni à
l'intérieur de la caserne du régiment du génie n°1 à Pontinha ( Lisbonne ).
A 22h55 : la chanson de Paulo de Carvalho " E depois do amor " ( et après l'amour ) qui vient de
représenter le Portugal à l'Eurovision est diffusée à la radio. C'est le signal choisi par le Capitaine Otelo Saraiva pour annoncer aux troupes de la capitale et de ses
alentours l'imminence d'une action contre le régime...
Le 25 avril 1974
A 00h20 : retentit la chanson censurée de José Afonso " Grândola Vila Morena " à la radio Renascença.
L'opération est lancée...
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Grândola, vila morena
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Terra da fraternidade
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O povo é quem mais ordena
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Dentro de ti, ó cidade
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Dentro de ti, ó cidade
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O povo é quem mais ordena
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Terra da fraternidade
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Grândola, vila morena
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Em cada esquina um amigo
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Em cada rosto igualdade
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Grândola, vila morena
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Terra da fraternidade
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Terra da fraternidade
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Grândola, vila morena
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Em cada rosto igualdade
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O povo é quem mais ordena
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À sombra duma azinheira
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Que já não sabia a idade
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Jurei ter por companheira
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Grândola a tua vontade
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Grândola a tua vontade
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Jurei ter por companheira
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À sombra duma azinheira
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Que já não sabia a idade
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Grândola, ville brune
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Terre de fraternité
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Seul le peuple ordonne
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En ton sein, ô cité
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En ton sein, ô cité
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Seul le peuple ordonne
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Terre de fraternité
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Grândola, ville brune
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À chaque coin un ami
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Sur chaque visage, l’égalité
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Grândola, ville brune
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Terre de fraternité
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Terre de fraternité
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Grândola, ville brune
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Sur chaque visage, l’égalité
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Seul le peuple ordonne
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A l’ombre d’un chêne vert
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Dont je ne connaissais plus l'âge
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J’ai juré d’avoir pour compagne
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Grândola, ta volonté
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Grândola, ta volonté
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J’ai juré de l'avoir pour compagne
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A l’ombre d’un chêne vert
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Dont je ne connaissais plus l'âge
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A 04h20 : Le MFA transmet son premier communiqué sur les ondes de la station Rádio Club Português. On demande à la population de rester à la maison
et de garder son calme. On invite les médecins à rejoindre les hôpitaux pour une collaboration qui, on l'espère, ne sera pas nécessaire.
« Ici
le poste de commandement du Mouvement des Forces Armées. Les forces armées portugaises demandent à tous les habitants de Lisbonne de rentrer chez eux et d’y rester avec le maximum de calme. Nous
espérons sincèrement que la gravité des heures que nous vivons ne sera pas tristement marqué par un accident. C’est pourquoi nous en appelons au bon sens des commandements des forces
militarisées, afin d’éviter la moindre confrontation avec les Forces Armées. Une telle confrontation, outre le fait qu’elle soit inutile, ne pourra que conduire à de sérieux préjudices
individuels qui endeuilleraient et créeraient des divisions entre les Portugais, ce qu’il faut éviter à tout prix. Nonobstant la préoccupation qui est la nôtre de ne faire couler le sang d’aucun
Portugais, nous en appelons à l’esprit civique et professionnel du corps médical, espérant qu’il se dirigera vers les hôpitaux afin d’apporter son éventuelle collaboration, que nous souhaitons,
sincèrement, inutile. »
A 06h00 : Arrivant de Santarém ( dans le nord du pays ), le Capitaine Fernando José Salgueiro Maia ( nom de code : Charlie Oito ) à la
tête d'un régiment occupe la place du Commerce ( ou Terreiro do Paço ), siège de plusieurs ministères. Il contacte Tigre ( Otelo Saraiva ) pour lui annoncer que Bruxelles et Vienne
( la Banque du Portugal et de la Rádio Marconi ) sont sous contrôle.
![Fernando-Jose-Salgueiro-Maia---25-avril-1974---Revolution.jpg]()
Il intervient à Ajuda ( un quartier de Lisbonne ) où un mouchoir blanc à la main il tente de parler à un officier qui est venu défendre ce qu'il reste
du régime avec des blindés ( photo en bas et à droite ). Le Brigadier Rodrigo Junqueira dos Reis donne l'ordre de tirer sur lui mais ses troupes lui désobéissent et se rallient
au mouvement de libération.
Plus tard, il encercle la caserne de la Garde Nationale Républicaine ( GNR ) où s'est réfugié le chef du Conseil Marcelo
Caetano.
Il le force à se rendre et à l'accompagne à l'aéroport afin qu'il prenne l'exil...
Dans la journée le Président Américo Tomás est destitué et l'Assemblée Nationale ainsi que le Conseil d'Etat sont dissous... Le pouvoir est maintenant aux mains de la JSN ( la Junte de Salut National ). La démocratie est en marche !
Je vous recommande l'excellent film Capitaines d'avril ( présenté au festival de Cannes en
2000 ) de l'actrice-chanteuse-réalisatrice Maria de Medeiros ( la fille au visage de petite chatte du film Pulp Fiction )... Il raconte les évènements des 24 et 25 avril
1974 avec comme toile de fond une histoire d'amour brisée.
La Bande Annonce du film...
"As brumas do futuro " ( les brumes du futur ), une chanson tirée de la Bande Originale du film et chantée par Teresa Salgueiro du groupe Madredeus.
Pour la petite histoire :
pourquoi appelle-t-on le 25 avril 1974 la révolution des Oeillets ?
![25-avril-1974---La-Revolution-des-Oeillets.jpg]()
Le 25 avril 1974 au matin Celeste est chargée de distribuer des oeillets aux passantes par le gérant du restaurant " Os franjinhas ". Il s'agit de
fêter le premier anniversaire de l'ouverture de ce commerce. Elle les donnera finalement aux militaires qui les mettront au bout de leurs fusils.
Quelques précisions...
Il y aura six morts ce jour-là car la PIDE ouvrira le feu sur la population depuis son siège.
J'aimerais terminer en rendant hommage, tout comme Maria de Medeiros
dans son film, au Capitaine Maia qui est le vrai héros de cette révolution.
Il était prêt à donner sa vie pour mettre fin à la dictature et pourtant n'en a retiré aucune gloire. Il a tenu à revenir
à une vie de parfait anonyme à la fin de ces évènements.
Il est mort à l'âge de 47 ans des suites d'un cancer...
Les braves sont parfois modestes...
L'année suivante, en 1975, Francisco Franco mourait et l'Espagne prenait, elle aussi, le chemin de la liberté...
Une petite phrase à méditer : nous vivons en démocratie, il ne faut pas mettre en péril cette chance en votant pour
les ennemis de la liberté !
![25-de-abril-1974-sempre.jpg]()